Se perdre



se perdre

trouver une clairière
une berge aux hautes herbes

écarter ces hautes herbes
pour l'entrevoir

dans cet entre
à épier

on existera encore

je reste

avant certains et après d’autres

un nœud jaloux
et je nage

le corps cale
la bouche
mais tout dire quoi ?
le langage seulement un morceau

morceau dit le manque

on ne voit pas le dos

la vision c’est celle dans le dos
celle qui manque
les yeux que l’on n’a pas

entier c’est autrement
par le souffle

le fleuve
celui où l’on glisse
se laisse glisser

le même fleuve

les mêmes remous
la même vague inquiétude
dans la plus grande des confiances

rêver des traversée

le même fleuve

ses méandres
ses marécages

le même lit

le limon
et les eaux coulent

et les mains moites

« ton désir coule dans tes mains, les liquéfie. »

« ton désir est ton Dieu. »

le désir comme un fleuve
moi comme un fleuve
emportée

qu’est-ce qu’on oublie ?

être exister
respirer avoir le souffle coupé

« la paix se fait par petits bouts »

la mère ne dit rien

on s’enveloppe d’un ruban de givre

ce gouffre-là
là où l’on peut mourir et là où d’ailleurs l'on meurt

ailleurs les titans peuvent être éternels

suivre l’eau
trouver l’eau

la présence de l’eau

la peau douce

cela se tait

la vérité
la loi
le verbe du divin

ce qui en l’homme dépasse l’homme

la liberté

des nappes d’été

toujours les horizons

secoués

des histoires de fantômes
l’homme
rien à sa mesure propre
sinon par miracle
une pomme

l’autre morceau de mon âme

ce qui est à jamais perdu
virginité
innocence

pureté

et pourquoi ne pas pleurer
ce sont mes chutes

regarder la pluie tomber en été
être seule
absolument seule

un trou dans le réel
un regard qui transperce
une trouée
de la lumière
qui sait mieux que nous-mêmes

ce regard
ce trou là
ce manque en chair

le plein et le vide
l’inspire et l’expire
le mouvement même
les marées

rien ne s’efface
tout s’efface
rien ne commence
tout recommence

les vagues

les années

toujours l’été
les passions qui s’essoufflent

ce qui ne manquera pas de mourir

sans tempête
calme et têtu
serein

sans vent
sans vent

le territoire
entre se défendre et attaquer
ces rares instants de grâce où tout paraît en paix

égal

regarde le ciel pour le comprendre
le passage des nuages
la lourdeur de certains jours

peser chaque mot
une folie

un jour
une seconde

une allée

Dieu seul sait à quel point c’est étrange

cette crevasse à l'intérieur
gouffre et ravin
où une vie s’abîme

nous sommes tombés

je suis tombée

la nature
ta nature

mais de nature en nous…

je rêve

douleurs exquises
légère contraction
creux à l’estomac

humilité

l’église reste toujours ouverte

l’important :

le sang me bat le corps
le cœur me bat les veines

contractions

l’église toujours ouverte
nuit noire

contraction de l’air
de la langue

parler
déglutir

passage d’un nuage
d’un éclair

l’étrange moment où tout paraît
seulement paraît
se suspendre
entre deux
milieu
silence
ennui

sans vent

le goût du sang
à se mordre la langue

l’odeur âcre de la transpiration
et aigre de la peur

les cheveux tirés

celles qui sont là
tapies
dedans
petites et grandes

le bruit de la rivière
plus que son scintillement

pas de vent

la rivière a remplacé la mer

pas de vent